Projet d’enquête
sur la pratique du journal personnel en Algérie

communication au colloque "L'autobiographie en situation d'interculturalité",
Université d'Alger, Département de Français, 6-8 décembre 2003


Je suis très honoré de parler au début de ce colloque, mais aussi un peu embarrassé : en général on présente un exposé sur quelque chose que l’on sait, le résultat d’un travail, dans un domaine qui vous est familier. Mon exposé portera sur quelque chose que je ne sais pas, dans un domaine que je connais mal. Je vais être amené par les circonstances à prendre une posture « socratique », en interrogeant les autres pour savoir s’ils savent mieux que moi. Ma question est simple : qu’en est-il de la pratique du journal personnel aujourd’hui en Algérie ? C’est une question scientifique, qui est à sa place dans un colloque tel que le nôtre. Mais c’est aussi, pour la plupart des personnes qui sont ici aujourd’hui, une question intime, puisqu’elles sont virtuellement les objets de l’enquête que je vais proposer, et qu’elles peuvent ressentir la question comme indiscrète, ou mal posée.
Le mieux est que je situe d’abord historiquement ma curiosité, et que je commence par de rapides aveux. Je tiens un journal depuis maintenant un peu plus de cinquante ans. J’ai commencé en octobre 1953, quand j’étais lycéen, à l’âge de quinze ans. Quand je suis devenu universitaire et chercheur, j’ai choisi comme sujet d’étude, vers 1969, l’autobiographie, dans ses formes les plus prestigieuses et les plus construites, par réaction contre mon journal d’adolescent. Reflet de mes incertitudes existentielles et de mes incapacités littéraires, le journal m’avait déçu et je m’étais détourné de lui. L’autobiographie s’était présentée à moi autant comme un objet de désir que comme un objet d’étude : elle devait me permettre de faire de ma vie un tout intéressant pour autrui, et m’aider surtout à en discerner le sens. Il m’a fallu mûrir pour me détacher de ce désir éperdu de totalisation, accepter que le temps passe et que le sens de la vie reste en suspens, et reconnaître les vertus du journal dans cette… dérive. En 1986, vers la cinquantaine, je me suis reconverti au journal, et l’essentiel de mon travail, depuis, a porté sur lui.
Ce travail a pris un « style » opposé à celui que j’avais adopté pour l’autobiographie. Au théoricien un peu dogmatique – péché de jeunesse – et à l’admirateur éperdu des grands chefs-d’œuvre – péché qui, rassurez-vous, est toujours le mien – ont succédé l’empirisme le plus curieux et le goût des écritures ordinaires. C’est que l’objet de mon étude était tout différent. L’autobiographie est fondamentalement une construction, une œuvre, elle est faite pour être lue par autrui, conservée, souvent publiée. Aussi est-elle le fait d’un nombre très réduit de personnes. Écrire une autobiographie est difficile. Le journal, lui, est une pratique : avant d’être une manière d’écrire, il est une manière de vivre en organisant chaque jour un va-et-vient entre la vie et l’écriture, pour guider sa vie en en gardant des traces. Il ne devient que secondairement, et très rarement, une œuvre. Il est ouvert à tout le monde, à partir du moment où l’on sait écrire. Qu’il ne soit pas une œuvre se voit au fait que bien souvent les journaux sont détruits par leur auteur, ce qui n’arrive presque jamais aux autobiographies.
D’où la nécessité d’une méthode d’étude différente. Quand j’ai commencé à étudier le journal vers 1986, j’ai d’abord consulté les livres canoniques sur le genre, ceux de Michèle Leleu (1952), d’Alain Girard (1963) et de Béatrice Didier (1976). Deux choses m’ont étonné.
La première, c’est qu’ils fondaient leur étude uniquement sur des journaux publiés, et qu’ils ne semblaient jamais avoir eu entre les mains des journaux réels. La forme authentique du journal, pourtant, ce n’est pas le livre – il n’en est que l’ombre ou l’ersatz – c’est le manuscrit, écrit au jour le jour, qui porte la trace du temps, et contient souvent bien d’autres choses que de l’écriture. Comme les œuvres d’art plastique, le journal n’existe vraiment qu’en un exemplaire unique. D’autre part, en travaillant exclusivement sur des livres, ces spécialistes faisaient de facto un pari de méthode hasardeux : ils supposaient que les journaux publiés, qui sont en tout petit nombre, donnaient une image fidèle de la masse énorme des journaux réels : mais comment pouvaient-ils en être sûrs, s’ils n’avaient jamais exploré eux-mêmes cette masse ? Voici par exemple quelques chiffres : en France, 85% des journaux publiés sont le fait d’hommes, 15% de femmes. Or on sait, par une enquête du Ministère de la Culture, que 8% des femmes tiennent un journal, contre 6% des hommes. Les femmes écrivent plus, mais publient beaucoup moins, que les hommes. D’autre part, ce sont toujours les mêmes types de journaux qui sont publiés (ceux d’écrivains, de personnes connues, de combattants de guerres, de témoins de l’histoire), tout le reste, qui est énorme, disparaît dans l’oubli.
La seconde chose qui m’a étonné, c’est qu’en France, le journal intime est peut-être le seul genre littéraire qui ait eu des spécialistes, sinon hostiles, du moins méfiants, partageant les préjugés populaires contre cette pratique, la considérant souvent comme une faiblesse ou une maladie. J’ai fait naguère un florilège de citations où il apparaissait que le journal était puéril, immature, narcissique, névrotique, lâche moralement, nul littérairement et même… féminin ! Un des objets de l’enquête que je vais proposer sera justement d’étudier en Algérie l’état de l’opinion publique à l’égard de la pratique du journal. Que pense-t-on de celles ou ceux qui en tiennent un ? Est-ce un sujet que l’on peut aborder dans la conversation, ou doit-il rester dans la pénombre d’une vie privée qu’il est malséant d’interroger ? Pourquoi ?
Ce statut si différent du journal m’a amené à changer de méthode. Pour l’autobiographie, j’avais élaboré une réflexion théorique –  utile, je l’espère – et travaillé en étudiant le texte des chefs-d’œuvre du genre, de Rousseau à Leiris, Sartre ou Perec. Pour le journal, je suis retourné à la base, et parti « sur le terrain ». J’ai suivi deux pistes :
- essayer de retrouver les journaux originaux
- aller interroger les producteurs des journaux, en faisant des enquêtes
Je passerai vite sur le premier point. Où trouver des journaux originaux ? Pour le passé, dans les archives et les bibliothèques ; pour le présent, grâce aux fonds constitués par deux associations militantes et leurs réseaux de relations. En France, deux associations collectent les écrits autobiographiques inédits des personnes ordinaires : Vivre et l’écrire (12 rue de Recouvrance, 45000 Orléans), où l’on peut trouver plus d’une centaine de journaux d’adolescents contemporains, dont certains sont ouverts à la lecture – expérience très bouleversante, je dois dire ; et l’Association pour l’Autobiographie et le Patrimoine autobiographique (La Grenette, 01500 Ambérieu-en-Bugey), que j’ai fondée avec des amis en 1992, et qui offre à la lecture actuellement plus de 1600 textes autobiographiques inédits (dont un bon quart de journaux). Il est important de lire, chaque fois que c’est possible, les journaux dans leur forme originale, et de les lire en grande quantité, en série. Quand, me tournant vers le passé, j’ai voulu étudier les journaux des jeunes filles du XIXe siècle, j’en ai réuni plus d’une centaine pour pouvoir étudier l’évolution historique, les différents modèles concurrents, les déviations et les innovations, etc. Mais comment transmettre à mon tour à mon lecteur cette expérience du contact avec les documents originaux ? Comment échapper moi-même au piège de l’imprimé ? À mon initiative, l’Association pour l’Autobiographie a organisé en1997 à la Bibliothèque municipale de Lyon une exposition où l’on pouvait voir 250 journaux réels. Et j’ai continué à travailler avec Catherine Bogaert, qui était commissaire de cette exposition : nous venons de publier ensemble un livre (Un journal à soi. Histoire d’une pratique, Paris, Ed. Textuel, 2003) qui cherche à donner en grand format, et en couleur, une connaissance directe des documents, en même temps qu’il propose une synthèse historique sur cette pratique.
Pourquoi, en plus, vouloir faire des enquêtes ? Voir les cahiers ne suffit-il pas ? Non, parce qu’un journal n’est pas seulement un texte : c’est une conduite, une manière de vivre, dont le texte est seulement une trace, un résidu. Lire un journal, d’autre part, est une chose très difficile. C’est l’un des rares écrits qui ne peut pas avoir le même sens, à la lecture, pour celui qui l’a écrit et pour les autres : la part de l’implicite y est gigantesque, et ce qui est « écrit entre les lignes » change tout. On en fait d’ailleurs soi-même parfois l’expérience quand on relit après des dizaines d’années son propre journal, qui apparaît comme celui d’un étranger, parce qu’on a perdu l’accès à cet implicite. Pour toutes ces raisons, il est bon, si on le peut, d’interroger les producteurs de journaux. On trouvera en Annexe 1 une liste chronologique d’enquêtes qui ont déjà été faites. Il y a au moins trois méthodes différentes possibles.
Le questionnaire administré à un groupe. C’est par là que j’ai commencé, en 1987. On trouvera la version actuelle de mon questionnaire en Annexe 2. L’idée est de le faire remplir sur place à un groupe constitué pour d’autres raisons (classes de lycée, groupe d’étudiants, etc.), groupe dont on connaît l’étendue. D’après mon expérience, cela prend à peu près un quart d’heure. Il faut quelques minutes pour expliquer la finalité de l’enquête, souligner que le questionnaire est anonyme, et qu’évidemment il n’est pas obligatoire de le remplir, mais que ça serait gentil et utile de s’y prêter. Tout cela suppose un sentiment d’entente entre la personne qui propose le questionnaire et le groupe. Il est bon aussi que l’on sache que ce n’est pas cette personne qui dépouillera le questionnaire, qu’elle sert seulement d’intermédiaire. On distribue le questionnaire, et on le ramasse cinq ou dix minutes après, quand on a le sentiment que c’est fini. Il faut noter l’effectif du groupe pour pouvoir comptabiliser les abstentions.
J’ai pratiqué cette méthode auprès de classes de collèges, de lycées, de groupes universitaires, de groupes en formation permanente, de groupes de retraités. Cela m’a appris énormément de choses. Bien sûr, ce questionnaire est loin d’être sans défauts, et on pourrait en concevoir de tout différents. Je ferai trois remarques. J’avais pris comme méthode de ne poser que des questions de fait, avec des réponses, ouvertes ou fermées, n’impliquant ni explications détaillées ni évaluations. Cela peut créer une certaine frustration, parce qu’on aurait parfois envie (quand on tient un journal) d’en dire plus – et c’est en général à la question 10 (« Comment vous est venue l’idée de le commencer »), pour laquelle j’ai laissé un peu plus de place, qu’on s’exprime. Seconde remarque : mon questionnaire est malgré tout indiscret. Ceux qui n’ont pas tenu de journal ont fini de le remplir en deux minutes, et les autres, du seul fait qu’ils continuent à écrire, se désignent eux-mêmes aux yeux du groupe comme diaristes passés ou actuels. Dans les classes de collège, ces décalages peuvent même créer des problèmes de discipline ! Je n’ai pas encore trouvé la parade… Troisième remarque : ce questionnaire, s’il était utilisé en Algérie, devrait être remodelé, j’y reviendrai tout à l’heure, en particulier du côté de la langue (d’une part, dans quelles langues serait-il lui-même proposé ? d’autre part, comporterait-il des questions sur les pratiques de langue de la personne interrogée ?).
L’appel à témoignage individuel. C’est la seconde méthode que j’ai employée. En avril 1988, j’ai publié dans Le Magazine littéraire un article racontant mon enquête par questionnaire, et dans le dernier paragraphe j’ai lancé aux lecteurs du Magazine un appel en leur suggérant de m’écrire pour témoigner de leur pratique, s’ils le voulaient. Je ne pensais guère qu’on me répondrait comme on l’a fait, peut-être parce que je n’aurais pas moi-même répondu à un appel de ce genre ! J’ai reçu 47 réponses, qui étaient souvent des petites esquisses autobiographiques (il fallait évoquer sa vie pour y situer sa pratique du journal). J’ai répondu en posant des questions, on m’a re-répondu, etc.  Impossible de couper en morceaux (extraits, citations) ces témoignages si poignants pour étayer une étude critique. J’ai décidé de les publier tels quels, en entier, dans un livre (« Cher cahier… », 1990) où ma seule intervention est l’ajout d’un index analytique classé qui réordonne la matière des témoignages.
L’entretien oral. Cette méthode a été employée par un jeune sociologue d’origine algérienne, Malik Allam, qui en a tiré un livre pénétrant (Journaux intimes, 1997) reliant la pratique du journal, trop souvent vue comme purement individualiste, aux processus de socialisation. Malik Allam a pu, dans certains cas, avoir accès aux journaux eux-mêmes – et il est évident que l’expérience d’étude la plus riche est celle qui permet de confronter le témoignage du diariste avec le texte de son journal.
Dans quels pays ces différentes méthodes d’enquête ont-elles été pratiquées ? À ma connaissance, essentiellement en France. Jusqu’à présent, je n’ai guère évoqué ce qui est l’objet principal de notre colloque, la situation d’interculturalité, mais j’y arrive. Vous vous êtes certainement déjà posé la question : dans quelle mesure une telle enquête (et la problématique qui la fonde) peut-elle être transportée d’une culture dans une autre ? Quand j’ai commencé à travailler sur le journal, un de mes grands étonnements a été de voir qu’on ne semblait pas avoir fait d’enquêtes de ce genre dans les pays de langue allemande ou anglaise, où pourtant foisonnent les études sur le journal, les anthologies, les guides pour savoir comment en tenir un, etc. Mais c’est justement pour cela : le journal y est si bien intégré dans l’éducation et la vie quotidienne, il est si « évident » qu’on ne sent pas besoin de lancer des enquêtes pour le réhabiliter, ou pour découvrir son visage secret, auquel tout le monde a accès. Il fait partie de l’air qu’on respire. Chaque pays a sa culture du journal, et cette culture est en grande partie liée à ses traditions religieuses. Peut-être pourrait-on distinguer une Europe du Nord, où le journal est chez lui, et une Europe du Sud, méditérranéenne, où il se trouve moins à l’aise. Il semble qu’il y ait une corrélation entre la présence d’une forte culture protestante et celle d’une large pratique du journal (soit que l’une soit la cause de l’autre, soit qu’elles aient une cause commune). Cela m’a frappé récemment en étudiant l’histoire du journal en France à l’époque « moderne » (XVI-XVIIIe siècles), lorsque j’ai constaté à la fois l’absence d’une vraie tradition du journal spirituel en France, et, à la fin du XVIIIe siècle encore, le retard des Français pour la tenue de journaux privés personnels par rapport aux Anglais, mais aussi à leurs voisins genevois. Et cet écart se voit clairement aujourd’hui dans les mentalités : en France, au soupçon catholique d’orgueil s’est substitué le diagnostic psychologique de narcissisme, on est passé du péché à la maladie, ce qui revient au même : c’est mal – alors que plus au Nord ou à l’Est le journal est envisagé comme une conduite de la vie quotidienne qui, comme n’importe quelle autre, peut être bien ou mal utilisée, mais n’est pas en elle-même mauvaise, au contraire. Mon enquête, qui se présente comme scientifique, donc universelle, est elle-même le produit d’une situation culturelle particulière, celle du malaise d’une société qui pratique de manière intensive le journal, mais avec mauvaise conscience.
« Exporter » cette enquête est-il possible ? N’est-ce pas une erreur, sur le plan de la méthode, de penser qu’un acte peut être défini par sa forme, et comparé directement d’une société à une autre, sans tenir compte des fonctions différentes et de l’économie symbolique générale des sociétés ? N’est-ce pas aussi un abus, d’imposer, sous couleur de science, ses propres normes à autrui, qui en sera peut-être froissé ? Est-ce que des enquêtes faites à l’étranger, à travers les difficultés qu’elles vont rencontrer, ne seront pas surtout révélatrices, par ricochet, de l’identité française ? J’avoue que ces réflexions me sont venues peu à peu, et qu’elles culminent aujourd’hui. Je vais vous raconter mes successifs empiétements, en Espagne, en Russie… et ici même.
Mon aveuglement initial tient sans doute à la première expérience qui a été faite à l’étranger. Mon ami Manuel Alberca, professeur à Malaga, a eu l’envie de reproduire en Espagne mes enquêtes. Lui-même diariste, il était choqué par l’idée, si répandue dans les milieux littéraires et universitaires de son pays, que le journal était un genre étranger à la mentalité espagnole, idée qui semblait confortée par le tout petit nombre de journaux personnels publiés, et le silence général qui entourait cette pratique. Il a décidé d’y voir clair, en appliquant chez lui mes deux méthodes : questionnaire, et appel public au témoignage individuel. Son enquête, dont il m’a fait suivre les étapes, a montré que, sous cette chape de silence, la pratique du journal personnel était aussi étendue, variée et vivante qu’en France. Il a publié son étude en 2000 sous un titre splendide : La escritura invisible (L’écriture invisible). De quoi me monter à la tête, et me donner l’idée naïve d’une croisade pour libérer tous les journaux muselés de par le monde, si je n’avais eu la sagesse de réfléchir à l’analogie de la situation en Espagne et en France, en particulier au poids, plus fort encore en Espagne, de la tradition catholique. En était-il de même au Portugal, en Italie ? Quel était le poids aussi, en Espagne, du contexte politique ? On y assiste, depuis la mort de Franco en 1975, à une progressive et puissante libération de la parole autobiographique, et pas seulement du journal. Je me posais aussi d’autres questions : existe-t-il, dans notre monde contemporain, une « internationale des adolescents », une culture de classe d’âge qui traverserait toutes les autres cultures religieuses ou nationales ? Une « mondialisation » – jusque dans le sens le plus commercial, puisqu’il s’avère que l’industrie de la papeterie fantaisie a délocalisé en Asie (Hong-Kong, Taiwan) la fabrication de supports de « Journaux » au corps identique vendus sous des couvertures différentes dans chaque pays… Et comment se fait-il que, quelles que soient la culture et la religion, ce soient les filles qui, majoritairement (y compris en Algérie), tiennent à l’adolescence des journaux ? Je soulève en vrac ces questions hétéroclites – parce que j’ai conscience que la pente fatale des études interculturelles est la simplification : on a tendance à construire et opposer des identités nationales schématiques. Peut-être mon enquête n’est-elle pas directement exportable : mais peut-être aussi sera-t-elle indirectement révélatrice.
Ma seconde expérience à l’étranger a été toute différente. Je participe depuis plusieurs années à un programme de coopération scientifique entre deux équipes de chercheurs français (CNRS-ITEM, groupe « Genèse et autobiographie ») et russes (Académie des sciences), initié du côté français par Catherine Viollet, du côté russe par Elena Gretchanaia et Elena Galtsova. Notre objet : les contacts de culture entre les deux pays dans le domaine de l’autobiographie. Parmi les études lancées : l’exploration des nombreux journaux en langue française tenus en Russie à la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècles, inexplorés jusqu’à ce jour, qui dorment dans les archives à Moscou, Petersbourg et ailleurs ; et puis l’idée que j’ai proposée de répéter à Moscou mes enquêtes sur la pratique contemporaine du journal. Jusqu’à présent les résultats de ces enquêtes sont… problématiques. L’enquête par questionnaire s’est heurtée à des difficultés de traduction (mots ou notions qui ne correspondaient pas), puis à des interférences pédagogiques, si je puis dire : en milieu scolaire, des résultats positifs massifs provenaient simplement du fait que des enseignants avaient fait écrire des journaux. Mais cela même est un signe, comme dans les pays anglo-saxons, où écrire un journal (pas forcément intime) fait partie de la routine scolaire. L’appel au témoignage a été publié le 4 mars 2002 dans Knijnoïé obozrénié (L’Observateur des livres), signé de moi, pour inspirer confiance : on répondrait plus facilement à une personnalité étrangère qu’à un compatriote. Même ainsi, les résultats ont été maigres : une quinzaine de réponses, parfois adressées à moi alors qu’on demandait clairement d’écrire aux responsables russes de l’enquête. La difficulté que j’ai eue à répondre à ces lettres-confidences racontant des vies dans un contexte qui ne m’était pas familier m’a renforcé dans la conviction que de telles enquêtes ne peuvent être faites que de l’intérieur. Pourquoi si peu de réponses ? Il y a deux raisons. D’abord, la méfiance des citoyens russes devant toute enquête (ils boudent même les recensements !). Mais plus profondément, le fait qu’en Russie les discours sur le journal ne sont pas refoulés, on parle aisément de celui qu’on tient, si bien qu’un appel comme le mien n’y produit pas, comme en France ou en Espagne, un effet de « libération ». J’en ai eu la confirmation lors d’une journée d’étude sur le journal que nous avons organisée à Moscou fin octobre 2003. La religion orthodoxe n’a, semble-t-il, jamais fait les gros yeux au journal, pratiqué largement dans les contextes les plus divers. On découvre aujourd’hui dans les archives du KGB beaucoup de journaux personnels tenus pendant les années les plus noires du régime soviétique, journaux saisis en même temps que leurs auteurs… Même les chercheurs de l’Académie des sciences parlent de leur journal, ce qui s’observe plus rarement en France chez les chercheurs du CNRS. Les résultats de notre enquête seront prochainement publiés en Russie par Elena Galtsova.
Ma troisième expérience serait l’Algérie… un pays divisé entre trois langues, qui porte historiquement l’empreinte de la colonisation française, et dont l’Islam est la religion d’état. Ce sera sans doute l’un des grands thèmes de ce colloque, que de savoir pourquoi l’engagement individuel de dire la vérité sur soi, qui caractérise l’autobiographie publique, y est si rare, pourquoi l’on préfère la fiction ou, si l’on reste dans le champ du témoignage direct, pourquoi on choisit de se fondre dans un sujet collectif plus proche du « nous » que du « je ».
J’ai fait un premier repérage, avec l’aide de Charles Bonn, en interrogeant la base de donnée LIMAG (j’ai appelé : « Journaux », « Autobiographies », et « études critiques » sur ces deux genres). Il n’existe pratiquement pas de journaux personnels publiés. Si l’on remonte dans le passé, on va trouver bien sûr le Journal de Mouloud Feraoun, qui est pour moi un chef-d’œuvre, comparable pour sa lucidité désespérée et sa générosité aux écrits de Primo Levi. Mais c’est une œuvre isolée. On pourra sans doute m’opposer quelques titres qui auront échappé à LIMAG. Les écrivains algériens ne publient pas de journaux, et on chercherait en vain une littérature de témoignage fondée sur la publication de journaux d’inconnus. Sans doute est-ce là une situation compréhensible : il faut du temps pour qu’un journal devienne publiable : attendons l’an 2040 ou 2050 pour lire des journaux, sans doute saisissants et admirables, qui ont pu s’écrire pendant les deux dernières décennies. J’ai tout de même rencontré deux livres, publiés en France, et qui témoignent d’une pratique régulière du journal chez les jeunes filles algériennes dont le français est la langue maternelle. Le premier est une adaptation : Dakia, fille d’Alger (Flammarion, Castor Poche, 1996), journal de l’année 1994 d’une jeune fille de quatorze ans « collégienne à Alger, musulmane, adolescente prise dans la tourmente d’une histoire qui la dépasse », dit la page 4 de couverture. Ce journal « exemplaire », dont la préfacière, Simone Veil, dit qu’il « prend valeur de symbole de la résistance des femmes d’Algérie face aux tentatives d’asservissement qu’elles subissent », montre les enjeux idéologiques de la tenue d’un journal. Le second est la contribution de Maïssa Bey au volume collectif Journal intime et politique. Algérie, 40 ans après (Éditions de l’Aube, 2003). Cinq écrivains algériens, dont trois vivent en France (Mohamed Kacimi, Nourredine Saadi et Leïla Sebbar) et deux en Algérie (Maïssa Bey et Boualem Sansal) ont été sollicités de tenir un journal pendant trois mois, d’août à octobre 2002. Maïssa Bey se livre à cet exercice en pensant à son journal d’adolescence, même si elle ne veut plus s’abandonner comme jadis à ses émotions : « Il faut que je m’entraîne. Que je retrouve ce mouvement vers moi que j’ai depuis si longtemps arrêté ou réprimé. Sans pour autant renouer avec les états d’âme et les introspections délirantes qui surchargeaient les journaux intimes de mon adolescence ». Elle semble gênée par le statut ambigu de l’exercice qui lui est proposé, ce journal n’ayant ni la liberté d’expression d’un vrai journal intime, ni la liberté d’invention qu’elle trouve dans ses écritures de fiction : elle croit perdre sur tous les tableaux – ce dont je ne suis pas persuadé, tant ces quelques dizaines de pages m’ont frappé. Toujours est-il qu’elle exprime bien ce double mouvement d’expansion et de retenue qui caractérise sans doute l’expression de soi en Algérie.
Nous ne connaîtrons sans doute jamais ni le vrai journal de Dakia (le livre est une adaptation stylisée et élaguée) ni celui de l’adolescente que fut Maïssa Bey – mais nous pouvons être sûrs que le journal intime existe bien en Algérie, même si c’est dans des milieux limités. J’en ai eu confirmation par un début d’enquête fait en avril 2003 au département de Français de l’Université d’Oran. En décembre 2002, j’ai rencontré à Paris Dalila Belkacem, maître-assistante à cette université, venue me parler de ses travaux sur Mouloud Feraoun. Elle a accepté de tenter l’expérience, qui semble avoir été délicate, ou même difficile. Elle avait ajouté son propre nom et celui de l’université en tête du questionnaire, ce qui n’a pas levé toutes les réticences. Un certain nombre d’étudiants se sont abstenus, sans qu’on sache combien, ce qui empêche de traduire les réponses reçues en pourcentage. On peut se demander parfois si les réponses sont sincères, ou si les questions ont été bien comprises. Mais voici quelques chiffres, et une impression d’ensemble. Sur les 101 réponses que j’ai eues sous les yeux, 75 venaient de filles (de 18 à 22 ans) et 26 de garçons (d’âges très variés). 50 des filles disent avoir tenu un journal, et 25 d’entre elles continuer à le faire. La plupart des journaux ont été commencés entre 13 et 15 ans. Les motivations données (question 10) sont celles qu’on peut attendre : la mémoire (désir de conserver une trace du passé) et surtout la solitude (un mot revient souvent, le sentiment du « vide »). 9 des 26 garçons disaient avoir eu une expérience du journal, mais leurs réponses me semblaient parfois difficiles à interpréter. L’impression générale que j’ai ressentie est ambiguë : une gêne ambiante, mais en même temps chez un nombre malgré tout important de filles, le plaisir d’être consultées sur une activité qui leur tient à cœur, un certain nombre de questionnaires sont remplis avec grand soin. La pratique du journal est donc assez courante, et les réponses comparables à celles qu’on obtient en France. Mais évidemment ce petit milieu (les étudiants de première année à l’Université d’Oran) ne saurait être considéré comme représentatif de l’Algérie entière. Enfin mon questionnaire, conçu pour la France, laissait de côté le problème de la langue : écrit-on dans sa langue maternelle (et quelle est-elle ?) ou dans une langue apprise ?
Je puis continuer ici cette ébauche d’enquête en faisant écho aux conversations que j’ai eues après ma communication. Plusieurs étudiants sont venus me dire qu’ils avaient l’habitude d’écrire des choses sur le papier, et de les détruire peu de temps après. Est-ce là tenir un journal, me demandaient-ils ? J’ai répondu oui et non : non pour la trace, qui disparaissait, oui pour l’acte d’expression, qui avait néanmoins une vertu formatrice. Une étudiante est venue m’expliquer en trois points pourquoi le journal intime était impossible, ou improbable, en Algérie, et elle a eu la gentillesse de me le reformuler dans deux mails successifs : « Il y a tout d’abord la religion : le simple fait de mettre sur papier que l’on a par exemple assisté à un vol sans avoir dénoncé la personne nous rend complice, alors que si on le garde bien enfoui au fond de nous-même, cela pourrait calmer notre conscience. – Il y a aussi la famille : on a beau avoir chacun sa chambre, il y aura toujours le petit frère ou la petite sœur pour fouiner. Chez nous, ce qui est à l’un est à l’autre. Il est inconcevable d’avoir des secrets pour la famille. – Il y a les parents. Le fait d’imaginer que l’on puisse leur faire du mal si l’on meurt et qu’ils lisent notre journal. Quel malheur, ils découvriront qu’ils n’ont jamais connu leur enfant ». En réponse à mes questions, elle a précisé : « Il existe effectivement, dans notre religion, quelque chose qui ressemble aux confessions chrétiennes mais avec une différence, c’est que nous avons l’imam en face de nous, rien ne nous sépare. Mais je vous avouerai qu’il est tout de même difficile à une personne d’aller se confier à un imam qui, peut être, porterait un jugement sur elle. – Chez nous on ne nous apprend pas à « s’exprimer ». Ce n’est pas qu’on nous en empêche, non. Mais il y a toujours des limites qui, au fur et à mesure que l’on grandit, deviennent une sorte d’autocensure. C’est comme lorsque l’on est enfant, on peut courir voir son père et lui dire qu’on l’aime ; mais en grandissant, ce geste serait impossible, même si on sait que cela lui ferait plaisir. – En ce qui concerne nos péchés c’est simple, on se les garde. Ceux qui ont la chance d’avoir une chambre à soi pourraient avoir un journal, mais, hélas, je pense que nous n’avons pas encore cette culture du journal intime dans notre société. – J’ai eu il y a quelques années un journal, mais je me suis arrêtée d’écrire, pas tout à fait pour les raisons que je vous ai citées, mais parce que jusqu’à présent je n’arrive pas à trouver les mots afin d’exprimer ce que je ressens… » . Deux étudiantes sont venues me rapporter, rempli, le questionnaire que j’avais distribué à titre documentaire. L’une (21 ans) avait commencé un journal à dix-huit ans et l’avait tenu pendant un an et demi : « L’idée m’est venue un jour triste où j’ai assisté à l’explosion d’une bombe en plein centre d’Alger, mais je n’ai pas commencé tout de suite, vu le choc que j’ai reçu, de sorte que j’étais incapable de m’extérioriser par écrit ». Tenu d’abord sur feuilles volantes, puis sur un cahier-journal qu’on lui a offert, son journal, qu’elle fait lire à sa meilleure amie, contient aussi ses poèmes, des citations et des éléments décoratifs. L’autre (23 ans) a tenu un journal pendant un an quand elle avait 14 ans, puis une seconde fois quand elle avait 18 ans : « Je l’avais commencé lors de l’année du boycott scolaire (1994) pour la langue Amazight en Kabylie ». Elle le conserve « où personne de mon entourage, surtout mon père, ne peut le trouver », mais l’a donné à lire à sa meilleure copine, et à son copain, « mais jamais les plus intimes ». Elle aussi y mettait des poèmes personnels et des citations. Le second jour du colloque, enfin, une journaliste m’aborde pour me déclarer que ce que je fais, c’est mal. C’est violer l’intimité. Nous parlons un moment et elle finit par me dire qu’elle regrette que ses parents ne l’aient pas incitée à tenir un journal. Le soir, je dîne chez des amis algériens, retraités, lui médecin, elle professeur de philosophie, et leur fils cadre commercial : tous trois sont d’accord pour penser que le journal intime n’existe pas en Algérie.
Me voilà donc au seuil d’une enquête sur une pratique qui existe bel et bien, mais discrète, localisée, et dont l’existence gêne. Elle met en jeu toutes les dimensions de la culture – et donc de l’interculturalité – d’autant plus qu’elle est perçue comme non-algérienne : la langue (l’arabe, le berbère, le français ; culture orale et expression écrite), le groupe familial (peut-on s’en isoler ?), le statut de la femme, la religion (grande question, que j’ai à peine abordée, comment l’Islam envisage-t-il le discours sur soi ?), la politique (en liaison avec la question précédente…) et la conception de la littérature (opposée à l’écriture ordinaire).
Je terminerai en me demandant qui peut faire une telle enquête, comment, et pourquoi.
Qui ? – Certainement pas moi – même s’il m’intéressera d’en suivre les développements. Une telle enquête ne peut se faire que de l’intérieur, à partir d’une position de compréhension et de complicité. Etre Algérien ou Algérienne, et avoir tenu un journal. Est-ce un travail possible pour un chercheur en littérature ? Saura-t-il abandonner l’univers du livre pour entrer dans la brousse des cahiers ? Ne serait-ce pas plutôt pour un sociologue ? Est-ce pour un chercheur chevronné ou pour quelqu’un qui entre dans la carrière ? Seul ou en binôme ? Le dernier jour du colloque, je me souviens d’une étudiante de troisième année venue auprès de moi s’enquérir, un peu inquiète, si j’avais déjà trouvé quelqu’un ?…
Comment ? – Je crois que, dans un premier temps, le questionnaire est à éviter. D’usage délicat en France, il l’est encore plus en Algérie. Il vaudrait mieux commencer par un appel au témoignage écrit ou par des entretiens oraux, et analyser des trajectoires individuelles, de manière à construire ensuite un nouveau questionnaire mieux adapté. Ce questionnaire devrait être d’abord être testé sur des petits groupes qui seraient volontaires pour participer à son amélioration. Peut-être d’ailleurs la question du journal est-elle trop pointue, et faudrait-il interroger d’abord en général sur les pratiques d’écriture, le journal n’arrivant qu’en cours de route, parmi d’autres questions, ou in fine ? Ce serait moins excluant, et sans doute plus riche d’enseignement.
Pourquoi ? – Voilà, en effet, une bonne question : pourquoi ?
Mais… pourquoi pas ?
 
Annexe 1

Enquêtes sur la pratique du journal personnel
Bibliographie



Philippe LEJEUNE, La pratique du journal personnel, enquête, n° 17 des Cahiers de sémiotique textuelle, Université Paris-X, 1990, 200 p.
Présentation et analyse des résultats d’une enquête par questionnaire (voir Annexe 2) faite auprès de groupes (environ 500 personnes).

« Cher cahier… ». Témoignages sur le journal personnel, recueillis et présentés par Philippe Lejeune, Gallimard, collection « Témoins », 1990, 259 p.
47 témoignages individuels sur la pratique du journal, reçus en réponse à un appel lancé dans un article du Magazine littéraire, avril 1988, où je racontais l’enquête par questionnaire ci-dessus. Les lettres reçues sont toutes publiées intégralement, sans commentaires, avec un index analytique classé des sujets abordés.

Philippe ARTIÈRES, « Et pourtant ils écrivent ! », Enquête sur la pratique du journal personnel. Collège St-Exupéry, Lycée de la Plaine de l'Ain à Ambérieu-en-Bugey (février-mars 1993), La Faute à Rousseau , n° 3, juin 1993, p. 29-36.
Enquête auprès de 338 lycéennes et lycéens, soit douze classes d’un même lycée.

Malik ALLAM, Journaux intimes. Une sociologie de l’écriture ordinaire, préface de Philippe Lejeune, L’Harmattan, collection « Logiques sociales », 1996, 286 p.
Une étude fondée sur une série de dix-huit entretiens, dont six très approfondis, avec des diaristes.

Philippe LEJEUNE, « Combien de diaristes ? », La Faute à Rousseau, n° 20, février 1999, p. 72.
Analyse détaillée des résultats des enquêtes du ministère de la Culture sur Les Pratiques culturelles des Français (faites en 1988 et en 1997). La question posée était de savoir si on avait pratiqué dans les douze derniers mois l’activité suivante : « Tenir votre journal intime, noter vos impressions et réflexions ». Réponses positives : 7% en 1988, 8% en 1997.

Philippe LEJEUNE, « Cher écran ». Journal personnel, ordinateur, Internet, Seuil, collection « La couleur de la vie », 2000, 444 p.
Deux enquêtes : la première porte sur l’usage de l’ordinateur pour tenir son journal personnel ; analogue à celle de « Cher cahier… », elle repose sur 66 réponses reçues, dont 27 sont publiées ; la seconde porte sur le journal tenu « en ligne » sur Internet, et repose sur l’observation directe.

Manuel ALBERCA, La escritura invisible. Testimonios sobre el diario intimo, Prólogo de Philippe Lejeune, Espagne, Sendoa (20180 Oiartzun ), 2000, 378 p.
Enquête menée à la fois par questionnaire et par appel au témoignage, qui a révélé l’intensité et la richesse de la pratique du journal personnel en Espagne.

Françoise SIMONET-TENANT, « Enquête », La Faute à Rousseau, n° 34, octobre 2003, p. 30-33.
Première présentation d’une enquête analogue à celles de « Cher cahier… » et de « Cher écran… » (appel au témoignage par voie de presse), mais qui porte sur la pratique de la correspondance (75 réponses reçues entre octobre 2002 et juillet 2003).


Ouvrages généraux

Ecritures ordinaires, sous la direction de Daniel Fabre, Paris, POL, 1993.

Françoise Simonet-Tenant, Le Journal intime. Genre littéraire et écriture ordinaire, Paris, Nathan, 2001, 128 p.

Philippe Lejeune et Catherine Bogaert, Un journal à soi. Histoire d’une pratique, Paris, Ed. Textuel, 2003, 216 p.

Site Web :
« Autopacte » :  http://worldserver.oleane.com/autopact/



Annexe 2


Questionnaire sur la pratique du journal personnel