Un journal à soi. Histoire d'une pratique

par Philippe Lejeune et Catherine Bogaert

Editions Textuel, 2003, 216 p., ill.

Article paru dans le n° 34, octobre 2003, de La Faute à Rousseau, revue de l'Association pour l'Autobiographie.



Il y a juste un an, en octobre 2002, nous avons lancé dans La Faute à Rousseau un appel aux Apaïstes : nous voulions transformer en un beau livre illustré le catalogue de l’exposition de journaux intimes organisée par l’APA à la Bibliothèque municipale de Lyon en 1997. Pour montrer la richesse et la variété de ce qui est une pratique, nos exemples devaient être pris dans les cahiers de chacun d’entre nous aussi bien que dans les archives littéraires. Merci de votre confiance et de votre générosité : nous n’avons pu retenir pour l’illustration qu’un petit nombre des journaux confiés, mais tous ont enrichi notre expérience et aidé à la maturation de notre réflexion : car ce livre n’est pas seulement un livre « illustré », nous avons voulu qu’il présente, ce que ne pouvait faire un catalogue, une réflexion développée. C’est un essai autant qu’un livre d’images. Grâce à vous, nous l’avons réalisé en sentant « nos troupes » derrière nous – vous étiez l’avant-garde des millions de diaristes auquel nous avons voulu donner la parole. Il y a un an, ce livre était encore un projet, nous étions impressionnés par l’ampleur de la tâche, la brièveté des délais. Il va sortir en librairie le 17 octobre, aux éditions Textuel, au moment où vous recevrez ce numéro. Ce n’est pas à nous de l’apprécier. Nous pouvons simplement vous le présenter en quelques mots.

C’est un livre presque carré (25,5 x 28,5 cm), à couverture solide, à reliure toilée : vous ne le lirez pas dans les transports en commun ! Il a 216 pages, tout en couleurs. Chaque double page forme une unité. On a cherché à ce que souvent la pliure des cahiers coïncide avec celle du livre : comme si, en l’ouvrant, on ouvrait les cahiers eux-mêmes. Il contient environ 170 documents reproduits, parfois à l’échelle, souvent réduits. Ce sera un plaisir pour l’œil et on devrait en avoir pour son argent, car il coûte « cher », c’est-à-dire bien plus qu’un livre ordinaire : 52 €. C’est un « beau livre », qu’on offre, et qu’on peut désirer s’offrir à soi-même…

Le titre est celui de l’exposition : Un journal à soi, le sous-titre différent : Histoire d’une pratique. Après une introduction générale, quatre parties, avec une composition historique pour les parties extrêmes, plus thématique pour les médianes (mais elles aussi organisées autour du passage du temps). La première partie, la plus neuve, est consacrée à tracer l’origine du journal personnel, dans une vue d’ensemble depuis l’Antiquité (les Romains tenaient-ils des journaux ?) jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Les deux parties suivantes décrivent, globalement, les pratiques ordinaires aux XIXe et XXe siècles : l’une suit la vie d’un journal (comment on le commence, la manière d’utiliser la page, l’illustration, le style, le rythme, la durée, le secret, le rapport à autrui, la relecture, la transmission…), l’autre suit la vie humaine, de l’enfance à la mort (les âges où on le tient, tous les aspects de la vie, amour, travail, rêve, voyage, guerre, maladie, qui s’y reflètent). La dernière partie reprend le fil de l’histoire pour montrer comment le journal devenu privé et même intime à partir de la fin du XVIIIe siècle, a connu, se superposant à ce premier mouvement fonda-mental, une évolution inverse secondaire à partir de la fin du XIXe siècle : on a commencé à le publier, il a rejoint l’univers du livre, et même aujourd’hui du Web ; d’autre part on s’est aperçu, dans le monde de l’image (photo, cinéma, BD) qu’on pouvait capter le réel de sa vie au jour le jour. Pour finir, un état des lieux : le journal est aujourd’hui mieux accepté qu’il y a une trentaine d’années, et un portrait du lecteur de journaux – peut-être votre portrait…

Ce livre a été réalisé en un peu moins d’un an, mais à partir d’un long travail antérieur. Vous trouverez en annexe une liste d’environ 130 journaux publiés (ceux dont nous parlons et un échantillonnage de journaux célèbres et d’autres moins connus), une bibliographie (études en langue française sur le sujet, aperçus sur les domaines étrangers) et un index. Nous nous sommes concentrés sur les journaux en langue française : à la fois pour la cohérence du livre, et pour que vous puissiez vous-même lire. Ce livre d’images, puisque ce sont des images de journaux, est plein de choses à lire : vous prendrez la peine (ou plutôt le plaisir !) de déchiffrer des pages entières d’écrivains connus et d’illustres Apaïstes ! Parfois une transcription vous aidera, parfois vous vous en tirerez fort bien seul(e). Nous avons fait trois exceptions, pour des journaux dont nous n’avons pas trouvé d’équivalent dans la tradition francophone : ceux de Samuel Pepys, de Robert et Clara Schumann et d’Anne Frank, dont vous pourrez voir les manuscrits en direct… avec traduction.

Merci encore à ceux qui nous ont communiqué leurs cahiers, et bonne lecture à tous !